Les 4 et 5 juillet derniers, l’association française de science politique (AFSP) organisait, en partenariat avec l’Université Paris 8 et le Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA), la première édition des rencontres de la science politique. Le groupe de recherche sur l’Union européenne (GrUE) de l’AFSP tenait un atelier portant sur l’étude de l’UE (le programme est disponible en cliquant ici).
Les membres du GrUE ont présenté les initiatives prises ces douze derniers mois et les projets en cours : présentation des axes de recherche, chronique bibliographique sur l’UE avec la Revue française de science politique (RSFP) et cartographie de la recherche française sur l’UE, etc.
Puis, certains défis des études sur l’UE en France ont été interrogés par Antoine Mégie, maître de conférences à l’Université de Rouen et directeur de la revue Politique européenne de 2011 à 2018, et Marine de Lassalle, professeure de science politique à Sciences Po Strasbourg et directrice du laboratoire SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe).
Comment insérer les études sur l’UE dans la science politique (française) ? C’est la question posée à Antoine. Selon ce dernier, la poursuite de l’étude de l’UE s’est sérieusement posée lors de la publication du 50e numéro de Politique européenne. En reprenant la typologie proposée dans ce numéro par Sophie Jacquot, Frédéric Mérand et Olivier Rozenberg, il a rappelé que la sociologie politique était probablement la marque de fabrique de la science politique française pour étudier l’UE.
Il a aussi noté le déclin de l’analyse des politiques publiques, ainsi que les travaux portant sur les organes institutionnels de l’UE (CJUE, agences indépendantes, par exemple). Les principales lacunes relèvent de l’économie politique et de la théorie politique qui sont des approches délaissées pour étudier l’UE. Enfin, il a souligné un paradoxe : les approches issues des relations internationales sont rares et pourtant correspondent aux articles qui sont les plus consultés. Enfin, il a insisté sur l’enjeu relatif aux formes d’écriture : il s’agit de réfléchir à la manière de faire évoluer les façons de raconter et d’interroger l’Europe.
Comment enseigner l’UE en 2018 ? Marine a rappelé son implication et sa direction du Master sur l’UE à Strasbourg pendant une vingtaine d’années ainsi que la formation professionnelle de l’Europe auprès de journalistes dans le cadre du CUEJ. À la fin des années 1990, les références pour enseigner l’UE étaient rares : seul le manuel de Courty et Devin (dont la quatrième édition est paru au printemps) existait.
En citant l’article d’Hélène Michel publié dans un numéro de Politique européenne de 2004 consacré à Enseigner l’Europe et dirigé par Andy Smith, Céline Bélot et Didier Georgakakis, Marine rappelle les deux demandes principales des étudiants de l’époque : une demande utilitariste de celles et ceux qui veulent devenir des professionnels de l’Europe (des lobbyistes ou des assistants parlementaires, par exemple), une demande militante des « pro-européens » qui veulent « défendre » l’UE. L’enseignant de l’UE pouvait alors pleinement jouer son rôle de « critique », au risque (nécessaire) de « désenchanter » son public.
Vingt ans plus tard, à la fin des années 2010, les difficultés se sont inversées. D’une part, les enseignants ont une profusion de références à leur disposition. Problème de riches donc, mais problème tout de même : il faut choisir les références pour que les étudiants ne se perdent pas dans l’océan des manuels et autres publications (voir ci-dessous pour quelques exemples seulement en français).
D’autre part, le sens commun a changé de camp : il est maintenant convenu, dans la société et chez les étudiants, de considérer l’UE comme « inefficace », « lourde », « injuste » voire « inutile ». L’enseignant se retrouve dans cette posture compliquée de devoir garder une position critique, tout en objectivant parfois la réalité « en faveur » de l’UE quand les « fake news », par exemple, viennent la déformer. Rôle d’équilibriste.
Marine a aussi insisté sur le fait qu’il n’était pas évident de faire lire des articles longs (une vingtaine de pages) aux étudiants. Elle a aussi souligné qu’un clivage fort persiste dans les perceptions des étudiants entre « l’Europe de l’ouest » et « l’Europe de l’est ». Si cela peut être une entrée pour « déconstruire l’Europe », une autre entrée pour enseigner l’Europe – qui a actuellement sa préférence – est celle de la construction politique (ou pas) d’une société européenne.
À moins d’un an des élections européennes et à quelques jours de la rentrée universitaire, ces réflexions sont, on ne peut plus, d’actualité. Prochaine étape scientifique : le 15e Congrès de l’AFSP qui aura lieu à l’été 2019 à Sciences Po Bordeaux.
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