B., un étudiant de Sciences Po Lille, me demande de clarifier ce que signifient « consensus permissif » et « dissensus contraignant », notions évoquées lors de la 5e séance du cours magistral portant sur les « Institutions et acteurs de l’Union européenne » que je dispense à Sciences Po Lille.
La thèse du « dissensus contraignant » a été formulée par deux européanistes américains chevronnés : Liesbet Hooghe et Gary Marks. Cette thèse renvoie au processus de politisation des enjeux de politique européenne par les citoyens européens. La genèse de ce processus politique est située au début des années 1990 et le développement de l’euroscepticisme en est un révélateur. Les citoyens sont de plus en plus dans un rapport conflictuel (qualifié de « dissensus ») avec les élites politiques nationales et européennes qui contraint ces derniers à les associer à l’avenir de l’Union européenne.
Cette phase historique se distingue de la précédente (1950-1980) lors de laquelle le processus politique d’intégration européenne est caractérisé par un « consensus permissif ». Les Communautés européennes sont alors le résultat d’un processus technocratique mené par des élites politiques et économiques, nationales et européennes. Les citoyens ne sont pas associés à ce projet d’intégration régionale et ne manifestent pas l’intérêt d’y prendre part. « Qui ne dis mot, consent » : il y a un consentement tacite des citoyens qui octroient des marges de manœuvre décisionnelles aux gouvernants.
Mari et femme, Hooghe et Marks sont tous deux professeurs de science politique à l’université de Caroline du Nord (Chapel Hill) et connus pour être les parents du modèle d’analyse de la « gouvernance à niveaux multiples » qui a et continue d’avoir un succès certain en études européennes.