Présidentielles 2017 : quelles propositions en matière de politique militaire ?

Hier, je suis intervenu à Sciences Po Lille, avec mes collègues Stéphane Bracq et Sami Makki, dans le cadre de la série de conférence « Comprendre les élections présidentielles 2017« . La séance d’hier avait pour thème l’Europe à partir de ses enjeux juridiques, économiques, sécuritaires et militaires. Ma présentation PPT est disponible en cliquant ici.

Je me suis attelé à présenter les propositions des candidats relatives à la politique de défense, à partir de la problématique des échelles de la gouvernance mondiale : quelles échelles de cette gouvernance sont-elles retenues par les candidats pour répondre aux défis de défense tels que la lutte contre le terrorisme, le maintien de la paix dans les régions en guerre, le lancement d’opérations extérieures, la conduite de programmes d’armement, etc. ?

J’ai identifié quatre échelles : nationale (« l’indépendance nationale »), européenne (la « Politique de sécurité et de défense commune », PSDC), transatlantique (l’OTAN) et mondiale avec l’ONU (les casques bleus). Trois indicateurs ont été retenus pour évaluer les programmes à partir de chacune de ces quatre échelles d’action publique : désengagement, statu quo ou approfondissement voulu par les candidats.

Seuls les programmes de six candidats ont été retenus, à savoir : Dupont-Aignan, Fillon, Hamon, Le Pen, Macron et Mélenchon. Lassale et Poutou ne formulent pas de propositions en matière de politique étrangère et de défense (à l’exception de l’interdiction des ventes d’armes par la France, pour ce dernier). Arthaud n’exprime pas de propositions mais des « positions ». Quant à Asselineau et Cheminade, leurs propositions en la matière convergent vers celles de Dupont-Aignant et Le Pen : sortie de l’UE (et donc de la PSDC) et de l’OTAN.

Quels résultats à cette analyse ?

  • A l’échelle nationale, il y a un consensus sur la volonté d’approfondissement de « l’indépendance nationale ». Tous les candidats veulent augmenter le budget de la Défense et le porter à 2% du PIB. Le président Trump appréciera. Certains (Le Pen et Dupont-Aignan) veulent même aller jusqu’à 3% du PIB en fin de mandat (ce qui a fait réagir François Fillon lundi soir, lors du débat sur TF1, considérant que ce n’était pas un objectif réaliste). Bref, la politique étrangère de « Grandeur » issue du général de Gaulle demeure un référentiel partagé. Toutefois, « l’indépendance nationale » n’a pas la même signification chez l’ensemble des candidats et certains favorisent l’usage de cette échelle de prise de décision, non seulement pour les enjeux militaires mais aussi pour les enjeux industriels. C’est le cas de Le Pen, Dupont-Aignan et Mélenchon qui veulent que le « Made In France » soit la réponse exclusive pour l’acquisition par l’Etat de matériels de guerre. Pour le dire autrement, oui à Dassault Aviation et à DCNS, non à Airbus Group et à MBDA.
  • A l’échelle européenne, un clivage structurant distingue ceux qui souhaitent se désengager de l’UE (Dupont-Aignan, Le Pen, Mélenchon auxquels on peut ajouter Asselineau, et Cheminade) et donc de la PSDC et ceux qui souhaitent l’approfondir (Hamon et Macron). François Fillon se positionne dans un entre-deux : si le candidat LR ne souhaite pas que la France se désengage de la défense européenne, il semble privilégier les coopérations bilatérales. En effet, ces dernières apparaissent en premier dans son programme ; à commencer par le maintien des relations avec le Royaume-Uni (pour rappel, il était Premier ministre quand les accords de Lancaster House, qui renforcent la coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni, ont été signés par le président de la République Sarkozy et le Premier ministre David Cameron en 2010). Bref, une large majorité des candidats veut mettre un terme à la défense européenne dans sa forme politico-institutionnelle actuelle, à savoir la PSDC.
  • A l’échelle transatlantique, aucun des candidats ne souhaite approfondir ce levier décisionnel. Fillon, Hamon et Macron sont pour le statuo quo (prudence requise depuis l’élection de Trump à la présidence des États-Unis en novembre 2016). En revanche, Dupont-Aignan, Le Pen et Mélenchon veulent que la France sorte du commandement militaire intégré de l’Alliance atlantique.
  • A l’échelle mondiale, et plus exactement à celle de l’ONU, une proposition est formulée par Mélenchon : ce dernier s’oppose à toute intervention militaire de la France, à l’exception de celles sous mandat onusien. En somme, supprimer la PSDC et se désengager de l’OTAN pour valoriser l’ONU. Par ailleurs, on peut ajouter que Dupont-Aignan est favorable à des coopérations industrielles avec les BRICS (il cite le Brésil et l’Inde, mais aussi Singapour, la Malaisie et la Corée du Sud).

J’ai aussi brièvement présenté mon livre portant sur la Défense européenne. Mais ça c’est une autre histoire, celle d’une recherche scientifique.

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