Je viens de corriger une série de papers rédigée par mes étudiants de Master, dans le cadre de la conférence de méthode « Débats internationaux et européens« . Pêle-mêle, quelques remarques transversales pour eux et pour celles et ceux qui s’intéressent à l’analyse des Relations internationales :
- Toute phrase formulée de manière interrogative n’est pas une problématique. Une problématique est une relation énigmatique. Une relation entre deux concepts ou entre un concept et un phénomène politique. Une problématique commence de préférence par un « comment » ou un « pourquoi ». Autre critère: une problématique nécessite de conduire une recherche pour y répondre. Pour plus d’infos, ce chapitre de Cyril Lemieux (2010) est éclairant.
- Connaitre les différents outils qui composent la boite du chercheur. Un marteau (théorie) n’est pas un tournevis (thèse), et un tournevis cruciforme (concept) n’a pas la même fonction qu’un tournevis aimanté (variables explicatives), etc. De plus, il faut que le chercheur accepte que sa boite est une boite, et non pas un semi-remorque. Comprendre : il faut connaitre, accepter et mettre en oeuvre le principe de parcimonie pour formuler un argument explicatif en sciences sociales.
- Ne pas confondre un concept avec une stratégie politique. Les deux peuvent avoir la même appellation. Prenons l’exemple du « soft power ». Saisir la politique internationale à travers la notion de « soft power » comme l’y invitent les tenants de la théorie néolibérale des Relations internationales et en premier lieu desquels Joseph Nye doit être strictement distinct de l’usage par des décideurs politiques du « soft power » comme une simple expression pour qualifier une stratégie politique qu’ils visent à mettre en oeuvre. La même confusion est habituelle en études européennes avec le terme « intergouvernementalisme » qui définit un modèle explicatif de l’intégration européenne (voir les travaux de Stanley Hoffmann, et Andrew Moravcsik pour sa version libérale) mais aussi une méthode de prise de décision (utilisée dans les secteurs de la sécurité, de la défense et de la politique étrangère). En d’autres termes, il s’agit de distinguer les outils qui permettent d’analyser la politique européenne ou internationale de cette politique elle-même.
- Faire l’usage de sources scientifiques, récentes et plurielles.
- D’abord, toutes les sources ne se valent pas. Une tribune d’un éditorialiste à succès dans un journal quotidien qui lui a demandé une dizaine d’heures de travail (pour les plus sérieux), n’a pas la même valeur parce, qu’un article publié dans une revue scientifique et qui a demandé deux ans de travail, pour la seule étape de la révision. Mais surtout, le langage n’est pas le même (profane vs. scientifique) c’est-à-dire la manière de porter son regard sur le monde (avec plus ou moins de distanciation et ce qui va avec c’est-à-dire le niveau de conceptualisation, et le type et le volume de données utilisées).
- Ensuite, il est nécessaire mais insuffisant de se rapporter exclusivement à des références du siècle dernier. Les chercheur.e.s font avancer l’état des connaissances, année après année. Il est donc tout aussi important de maîtriser ses classiques que d’être au fait des développements théoriques récents.
- Enfin, il s’agit d’être vigilant de ne pas appuyer sa démonstration sur le même auteur ou la même poignée de références (le risque d’un biais dans l’analyse est fort), mais au contraire de croiser les références et les données.
- Ne pas mettre de majuscule aux adjectifs, en langue française. Une fois pour toute : l’Union européenne s’écrit avec un « e » minuscule à « européenne ».