First lines – On 5 March 2024, the European Commission and the European External Action Service (EEAS) presented the first-ever EU Defence Industrial Strategy (EDIS) and the European Defence Programme (EDIP). These initiatives aim to increase EU defence production capacity, cooperation between the Member States on armaments programmes and reduce foreign dependency in the context of the war in Ukraine, the increase in general worldwide national defence capabilities and a possible US disengagement from Europe in 2025. Although it sets out clear political objectives, the content of the Communications does not signify a break with the Commission's initiatives in the field of the defence industrial policy that has been implemented since the 1990s. The interventionist instruments proposed in these texts lack the financial resources and political incentives to achieve the objectives set. Despite the Commission's ambitions, the intergovernmental paradigm remains unchanged. As a result, there has been no "Colbertist revolution" in Brussels.
Premières lignes – Le 5 mars dernier, à Bruxelles, les commissaires Thierry Breton, Margrethe Vestager et le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell ont présenté la première « stratégie industrielle européenne de défense » (EDIS, ci-après la Stratégie), complétée par le « programme européen pour l’industrie de la défense » (EDIP, ci-après le Programme). La publication de cette Stratégie (EDIS) et de ce Programme (EDIP) s’inscrit dans le contexte de la guerre en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 par la Russie de Vladimir Poutine, de l’augmentation à travers le monde des capacités nationales de défense et d’un possible désengagement des États-Unis de l’Europe après une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de novembre 2024. Elle a lieu également quelques mois avant la fin des mandats des dirigeants des institutions de l’Union, les élections européennes se déroulant en juin 2024. La publication de cette stratégie avait été annoncée lors du discours sur l’état de l’Union prononcé en septembre 2023 par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen et fait suite aux engagements pris par les chefs d’État et de gouvernement lors du dernier Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023. La Stratégie avait alors été présentée comme le prolongement de deux initiatives législatives votées à l’été 2023 par le Conseil et le Parlement sur proposition de la Commission, la première portant sur la production d’armement (ASAP), le seconde sur leur acquisition (EDIRPA).
Premières lignes – Si l’on remonte le fil de l’histoire de l’intégration européenne, ce phénomène « crisologique » semble plus ancien. Au XXIe siècle, il est compliqué de trouver une période lors de laquelle l’UE n’a pas été traversée par des crises, à tel point que cette situation politique ait été qualifiée par l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de « polycrise » : crise économique et financière lors de la Grande Récession des années 2007-2009, crise migratoire ou crise de l’espace Schengen, crise sécuritaire lors de la vague d’attentats djihadistes perpétrés dans les années 2010, crise institutionnelle découlant des longues négociations entre Bruxelles et Londres faisant suite au référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE organisé en 2016, etc.
Premières lignes – Mardi 30 janvier 2024, le chef de l’État français, Emmanuel Macron, en visite d’État en Suède, a appelé à « bâtir une architecture de sécurité pour protéger notre Europe » et « à avoir une Europe de la défense plus forte au sein de l’OTAN ». Le 17 février, le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’exprimait en des termes similaires lors de la conférence de Munich sur la sécurité, en affirmant qu’« Une chose est claire : nous, Européens, devons faire beaucoup plus pour notre sécurité, aujourd’hui et à l’avenir ». Ce discours était prononcé le lendemain de l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny, le principal opposant au régime de Vladimir Poutine. Le 26 février, et près de deux ans après le début de la guerre en Ukraine, le Président français organisait une « conférence de soutien à l’Ukraine » à laquelle ont participé une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement à Paris. Lors de son allocution introductive, Emmanuel Macron a noté que du fait d’un « durcissement de la Russie […] Notre sécurité à tous est aujourd’hui en jeu […] Un sursaut est nécessaire de notre part à tous […] L’objectif est de voir sur le plan national et sur le plan collectif comment nous pouvons faire plus ; plus en soutien budgétaire, plus en soutien militaire, plus en capacités mises à dispositif ».
Premières lignes – Depuis le 24 février 2022, la guerre en Ukraine aurait fait près de 200 000 morts dont 120 000 Russes et 70 000 Ukrainiens : il s’agit de la guerre la plus meurtrière que le continent ait connu depuis 1945. Les responsables politiques nationaux dont Emmanuel Macron et Olaf Scholz, et européens tels que Ursula von der Leyen, Charles Michel et Josep Borrell, n’ont eu de cesse d’insister sur les changements qu’ils ont impulsés depuis lors, afin de réarmer l’Europe et ainsi de se défendre contre la Russie de Vladimir Poutine. L’Europe s’est-elle faite, une fois encore, « dans les crises » selon le mot de Jean Monnet ? Comment la guerre en Ukraine a-t-elle transformé les politiques d’armement et l’industrie de la défense en Europe ? L’Union européenne (UE) et ses États membres sont parvenues, de façon assez inattendue, à construire puis à conserver jusqu’aujourd’hui, une unité politique pour faire face à la Russie et soutenir l’Ukraine. Pour autant, la guerre en Ukraine n’a pas remis en question la distribution des ressources budgétaires et les règles du jeu institutionnel qui ordonnent le système politique et industriel européen dans le secteur de la défense.
Premières lignes – Coopération structurée permanente (CSP), Fonds européen de défense (FED), Initiative européenne d’intervention (IEI), Facilité européenne pour la paix (FEP), Boussole stratégique : la politique européenne de la défense a connu, ces dernières années, l’activation et la création de nouveaux instruments d’action. À écouter certains dirigeants européens dont le chef de l’État français, cette « Europe de la défense » qui n’existait pas en 2017 a, enfin, une réalité et est en capacité de produire des effets dont la constitution d’une « autonomie stratégique ». Cette idée selon laquelle il y aurait eu plus de réalisations politico-institutionnelles en deux ans qu’en vingt ans est discutée. Il s’agit également d’expliciter les raisons qui conduisent à penser que ce tournant politico-institutionnel est insuffisant pour dépasser les divergences nationales et renforcer une culture stratégique commune. Ce paradoxe apparent s’explique par l’ordre intergouvernemental qui continue de dominer cette politique : les États agissent davantage au sein de l’UE, mais sont, plus que jamais, les maîtres du jeu.
Premières lignes – Dans le contexte de la guerre en Ukraine, un Conseil européen informel a été organisé les 10 et 11 mars 2022 à Versailles alors que la France préside le Conseil de l’Union européenne (UE). Sur le volet défense, la déclaration de Versailles révèle la politique du « gentle reminder » : rappeler l’unité des 27 partageant l’ambition d’un renforcement des capacités militaires sans préciser comment y parvenir. On est loin d’un sommet « qui restera dans les annales de l’histoire européenne » par « des décisions très fortes » qui « consacrent une défense européenne », comme l’a affirmé Charles Michel, le président du Conseil européen. Peut-être était-ce une étape nécessaire, assurément tout reste à fait. Décryptage en dix points.
Premières lignes – Le 23 juin 2016, une majorité d’électeurs britanniques décide de voter en faveur du Brexit. Le Premier ministre et Remainer David Cameron perd son pari contre le Brexiter, ancien maire de Londres et futur Premier ministre, Boris Johnson. Après plus de trois années de négociations, le Royaume-Uni quitte l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020. Pour la première fois de son histoire, l’UE perd un État membre, passant de vingt-huit à vingt-sept pays. Les experts de l’UE sont alors nombreux à prédire une désintégration européenne, le Danemark, l’Italie ou la Grèce, pourraient, à leur tour, quitter l’UE. Il est vrai que la crise produite par le Brexit intervient alors que l’UE fait face depuis le milieu des années 2000, à d’autres crises d’envergure : crise de la zone euro, crise migratoire liée à la guerre en Syrie, annexion de la Crimée en Ukraine par la Russie, attaques terroristes djihadistes. Il faut y ajouter, depuis l’hiver 2020, la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui accapare l’UE et ses États membres.
Résumé– Comment la France gouverne-t-elle la politique d’armement afin de répondre aux besoins capacitaires et technologiques des forces armées ? Comment l’État parvient-il à résoudre le dilemme du maintien de la souveraineté nationale tout en prenant part à des alliances interétatiques pour produire des avions de combat, des chars d’assaut, des frégates ou des missiles ? Je réponds à cette question en mobilisant le concept de « flexilatéralisme », présentant, d’abord, d’où provient cette pratique politique, puis en détaillant ses éléments constitutifs.
First Lines – Ja, die deutsch-französische Zusammenarbeit im Bereich der Rüstungsindustrie kann in den 2020er Jahren (weiterhin) erfolgreich sein, wenn drei Bedingungen – politischer, industrieller und bürokratischer Natur – erfüllt sind. Die erste Bedingung hängt mit den Wahlen und Regierungsbildungen in Deutschland 2021 und Frankreich 2022 zusammen. In Frankreich deuten die Umfragen, wie bereits 2017, auf ein Duell zwischen dem liberalen Amtsinhaber Präsident Emmanuel Macron und der Neonationalistin Marine Le Pen vom Rassemblement National hin. Bei einer Wiederwahl von Emmanuel Macron würde weiterhin viel politisches Kapital in die deutsch-französische Zusammenarbeit investiert werden.
First Lines – How could the 2022 French presidential election impact the dynamics of European integration? Generally speaking, there is an increasingly strong link between national elections and domestic politics on the one hand and European issues on the other (Bulmer and Lequesne, 2020). From the point of view of the national context in France, the presidential political system gives major importance to this election because the most strategic decisions with European partners are still made by the president – all the more so in a context of crises that reinforce the role of the European Council (Wessels, 2015). The EU has been marked since the beginning of the 21st century by a “polycrisis” (Juncker, 2016) that has strengthened the institutional position of the European Council (Bickerton et al., 2015). Moreover, the current COVID-19 crisis poses a number of challenges to the citizens of EU member states that have a clear European dimension, such as economic recovery, energy transition, defence policy, etc.
Premières lignes – Que désigne précisément le terme « idée européenne » ? Il me semble qu’il y a deux manières de répondre à la question, par la philosophie politique et par la sociologie politique. Soit on conçoit l’Europe comme un projet, un objectif vers lequel il faut tendre, ce qui devrait être. C’est le point de vue philosophique. Soit on y voit une « idée pratique », une réalité, ce qui a été fait, ce qui est. Pour la sociologie politique, l’idée européenne ne renvoie pas à un modèle essentialisé vers lequel il faut tendre, mais à une réalité politique qu’il s’agit de décrypter. ...
Premières lignes – La politique industrielle européenne a fait l’objet d’une conférence organisée à Cracovie en février 2014 interrogeant le Triangle de Weimar comme cadre institutionnel approprié pour répondre aux enjeux européens de sécurité et de défense. Le Triangle de Weimar correspond à une arène de coopération informelle instituée en 1991 entre l’Allemagne, la France et la Pologne. Cette conférence dite du « Triangle économique de Weimar » était organisée à l’initative de la présidence de la République polonaise, avec le soutien des ambassades de France et d’Allemagne en Pologne, du ministère polonais de l’économie ainsi que des organisations patronales allemande (BDI), française (MEDEF) et polonaise (Lewiatan). Elle a rassemblé, au sein de la grande et historique université Jagelon, plusieurs centaines de décideurs politiques, d’industriels et d’experts allemands, français, polonais et de l’Union européenne (UE). Le président de la République polonaise, Bronislaw Komoroswki, les ministres allemand et polonais de l’économie, Sigmar Gabriel et Janusz Pietchocinski, le ministre français du redressement productif, Arnaud Montebourg et le commissaire européen du budget, Janusz Lewandowski, sont intervenus. Cette conférence internationale s’est déroulée dans un contexte de…
Premières lignes – À Bruxelles, la constitution d’une gouvernance européenne de la défense, c’est-à-dire d’un ensemble hétéroclite d’acteurs entretenant des relations d’interdépendance institutionnalisées, est observée depuis la fin du XXe siècle. Ces acteurs sont gouvernementaux ou non gouvernementaux, civils ou militaires, politico-administratifs ou industriels, multinationaux, transnationaux ou supranationaux. Ils échangent quotidiennement lors de réunions formelles et informelles. Les diplomates, les militaires et les hauts fonctionnaires des 28 représentations permanentes des États membres de l’Union européenne (UE) se rencontrent chaque semaine. Ils élaborent et mettent en oeuvre la politique de sécurité et de défense commune et préparent les réunions mensuelles des 28 ministres de la Défense. L’Agence européenne de la défense (AED) est « dans la boucle » sur les enjeux capacitaires. Plus rarement…
Premières lignes – Un réseau politique est un ensemble de relations de pouvoir entretenues par des décideurs gouvernementaux (civils et militaires) et non gouvernementaux (industriels, lobbyistes). Ces relations de pouvoir sont institutionnalisées, c’est-à-dire stabilisées dans le temps, et relativement différenciées ou closes dans l’espace. Elles peuvent être formelles ou informelles et s’étendre au-delà des frontières nationales. La Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) recouvre plusieurs réseaux, dont certains façonnent davantage le processus décisionnel que d’autres. Correspondant aux compétences limitées de l’Union européenne (UE) en matière de sécurité et de défense, la PSDC se caractérise d’abord par des réseaux transgouvernementaux formels, politiques et administratifs. La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la PSDC ne sont pas soumises à la procédure législative ordinaire (article 24 du traité sur l’Union européenne). Par conséquent, les institutions européenne ne peuvent…
Premières lignes – « La France, pour sa part, veut être aux premiers rangs de ce projet d’unification politique progressive [l’Union européenne], qui ne signifie pas uniformisation, mais mise en commun, partage de destins, force et espoir collectifs. Elle agira pour une Union européenne plus unie, plus forte, plus affirmée dans les domaines de la sécurité et de la défense, notamment dans la réponse aux risques et défis qui viennent d’être exposés et qui concernent l’humanité. Le potentiel européen doit être amplifié, défendu et valorisé collectivement (…) ». C’est ainsi qu’est introduit le chapitre 4 « L’ambition européenne » du Livre blanc (LBDSN 2008 : 81-98) sur la Défense et la Sécurité nationale de 2008 (LBDSN). L’objectif stratégique « européen » assigné à l’État français pour les années à venir est alors clairement défini. soutenir le processus d’intégration européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense. Dans quelle mesure ce but a-t-il été atteint ? Quel(s) moteur(s) pour quelle(s) Union(s) ? Comment réactiver le projet d’une « Europe de la Défense » ? Quel avenir pour la PSDC ?
Premières lignes – L’Europe de la défense et plus généralement celle de l’action extérieure, est entrée fin 2009 dans une nouvelle phase. La mise en oeuvre du traité de Lisbonne, avec ces nouveaux instruments en matière de politique étrangère et de défense (notamment le développement d’un service européen pour l’action extérieure, mais aussi avec son nouveau processus décisionnel, et la nomination, déjà, de quelques acteurs clefs), campe un nouveau paysage stratégique. Pour la Fraance, cette évolution est accentuée par la décision de réintégrer le commandement intégré de l’Otan, rendue effective en 2009, qui pose à la fois la question de l’influence française au sein des instances atlantiques, et celle de la capacité à garantir celle-ci sans dégarnir l’autre front, celui de l’Union européenne. Dans ce nouveau contexte, quels sont les instruments dont dispose la France pour faire entendre sa voix, ses préférences, pour faire connaître et défendre ses options ? Sinon imposer ses vues ? Quelles sont-elles d’ailleurs ?